C : Quel est pour toi le meilleur âge pour atteindre la plus grande maturité artistique ?

J : Les grands magiciens semblent ne pas bouger. On vient juste de travailler avec Patrick PAGE et il était aussi grand 25 ou 30 ans en arrière et il l’est toujours. Il a toujours tout pour lui. 

Charlie MILLER était bon jusqu’à ses 75 ans. Après il a un peu ralenti. Ça arrive juste comme ça.

Pour VERNON c’était ses 80 ans. Je me souviens lorsqu’il avait plus ou moins 88 ou 89 ans et qu’il m’a dit : ” Johnny, je me suis toujours senti comme un jeune homme mais ces deux dernières années je commence à me sentir un peu vieux.

Je lui ai répondu ” “. Il m’a répondu : ” “. C’était incroyable. Quand il avait 87 ou 88 ans, c’est là qu’il a commencé à ralentir un peu. Il avait une telle énergie et une telle adresse.

C : Sais-tu si il y a beaucoup de choses de VERNON qui n’ont jamais vu le jour ?

J : Il y a énormément de choses. Il a écrit un livre intitulé “Revelation” qui était ses annotations sur Erdnase mais beaucoup de ces annotations n’ont pas été publiées.

Les producteurs ont trouvés qu’il y avait des choses qui étaient trop bonnes pour être publiées. Il y a plein de choses qui n’ont jamais été publiées. Je ne suis pas d’accord avec ces personnes, je pense que le travail d’un homme est sa propriété.

C’est à lui de décider si il a envie de le donner au reste du monde. Sinon beaucoup de choses peuvent se perdre. Charlie MILLER ne voulait pas que son matériel soit livré au public. Il voulait que je brûle tout ce qui lui appartenait.

C : Sa raison principale était qu’il n’aimait pas la fraternité magique ?

J : Je suppose qu’il a distribué son matériel entre Perci DIACONIS, Steve FREEMAN, Ricky JAY et moi-même. Nous étions ses 4 étudiants. On a pris soin de Charlie, de ses vieux jours.

Steve a été son comptable, Ricky a toujours fait en sorte qu’il ait de l’argent. Perci l’a toujours aidé financièrement, et nous avons toujours donné à Charly un endroit pour dormir.

Certains magiciens ne veulent pas qu’on touche à leurs matériels. Max MALINI en est un exemple. Il n’y a que Charlie qui a pu nous dire combien il était bon. VERNON a écrit le livre sur MALINI mais la plupart des choses proviennent de Charlie, parce que Charlie connaissait Max très très bien.

Je crois qu’un jour 4 d’entre nous allons écrire un livre sur Charlie afin que ce ne soit pas perdu à jamais. Mais on devra se battre avec Ricky JAY ; il est si secret que sa main gauche ne sait pas ce que sa main droite est en train de faire.

Il peut même s’illusionner tout seul. Mais c’est un grand magicien et je respecte sa manière de penser.

C : Je comprends. Mais c’est tout de même dommage pour l’art.

J : Je sens que je dois laisser derrière moi certaines de mes créations. Je commence à écrire des choses et même l’entièreté de mon numéro.

C : On attend avec impatience sa publication. Pour terminer juste un mot pour Arturo qui était un frère pour toi.

J : J’ai été en Espagne pour y travailler durant une année. Mais pour une seule raison, rencontrer et connaître Arturo de ASCANIO ! L’argent n’était pas si intéressant mais cela me donnait le temps de rencontrer l’homme que j’ai toujours voulu rencontrer.

C’était une joie d’être avec lui. Je ne connais personne comme lui. Mais comme VERNON, comme Charlie, comme les grands penseurs de la magie, Arturo était un philosophe de la magie.

On a parlé beaucoup de fois et je me souviendrai toujours lorsque il me dit qu’un magicien c’est comme… il donna cet exemple, il me dit : “”. Il a toujours eu ce type de philosophie avec de très beaux exemples.

C : Te souviens-tu de la première chose que tu lui as montré ?

J : La première chose était un tour avec un saut de coupe et une donne du dessous et je l’ai illusionné. Je ne pouvais pas le croire. Il m’a dit “”.

Et j’étais comme un enfant avec le plus beau cadeau du monde. Ca vient d’Arturo de ASCANIO ! C’est comme la première fois que j’ai travaillé devant VERNON. Je suis désolé qu’il ne soit plus avec nous pour nous guider et nous mettre sur la bonne voie. Mais heureusement il a eu de merveilleux élèves comme Juan, et toi-même et Roberto GIOBBI …

C : Nous sommes là pour le rendre vivant à chaque fois que nous faisons un tour.

J : Les juifs disent que lorsque tu parles de quelqu’un il revit encore, et dans cette idée Arturo ne sera jamais mort.

C : Après cette magnifique conclusion, j’aimerais encore te poser une question sans aucun rapport avec Arturo ni VERNON.

Je me demandes pourquoi lorsque tu vois des artistes comme des comédiens, des chanteurs, des peintres ils changent toujours leurs numéros d’acteurs, leurs chansons,…mais les magiciens font toute leur vie le même numéro. D’après toi, quel est la raison de ce fait ?

J : Il y a une différence entre un acteur et un artiste. L’acteur est entraîné a utiliser les idées des autres et à les rendre vivantes. Les chanteurs changent de matériel parce que la musique évolue avec la mode.

Ils ont du matériel qui ne provient pas nécessairement de leurs cerveaux, mais la plupart des numéros de variété, et pas seulement les magiciens mais aussi les jongleurs ne changent pas de matériel parce qu’il est développé par la personne elle-même.

La magie est le seul art que je connaisse où tu dois être le metteur en scène, choisir la musique, choisir la lumière qui te convient. On fait tout et c’est très difficile. Il n’y a pas beaucoup de forme d’art qui font ça.

Quand tu développes quelque chose qui marche, tu as la chance de travailler avec un vrai public et de continuer en l’améliorant. Ce que tu fais vraiment c’est le développer. Je suis en train de faire mon numéro tel qu’il est depuis 1969 mais, tu sais, à cette époque je n’avais que 6 minutes.

Ces 6 minutes sont devenue 30 minutes et j’ai certainement plusieurs heures de matériel. Je n’arrive pas à les faire mais je ne perds jamais ce qui est original parce que… comme un chanteur, il peut faire de nouvelle chansons mais le public veut encore entendre ses succès d’hier.

Et c’est ça qu’on doit essayer de faire, s’améliorer et devenir meilleur et meilleur.

C : Merci beaucoup ! Aujourd’hui nous sommes le 29 septembre 1997 à l’hôtel Sheraton de Buenos Aires et qu’est ce que je suis content d’avoir partager ces quelques moments avec toi !

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