A travers une lecture, une rencontre avec un grand homme qui fait naître en moi des pensées ; les voici sur papier (Ce texte a été écrit par Pablo PICASSO en 1976)

«Lorsque j’étais jeune, comme tous les jeunes, j’ai eu la religion de l’art, du grand art; mais avec les années, je me suis aperçu que l’art comme on le concevait jusqu’à la fin de 1800, est désormais fini, moribond, condamné, et que la prétendue activité artistique avec toute son abondance n’est que la manifestation multiforme de son agonie.
Les hommes se détachent, se désintéressent de plus en plus de la peinture, de la sculpture, de la poésie, malgré les apparences contraires, les hommes d’aujourd’hui ont mis leur cœur dans tout autre chose : la machine, les découvertes scientifiques, la richesse, la domination des forces naturelles et des terres du monde. Nous ne sentons plus l’art comme besoin vital, comme nécessité spirituelle, comme c’était le cas dans les siècles passés.»

On se rend compte que pour PICASSO, l’art tel qu’on le concevait au 19ème Siècle est en train de mourir et que toutes les formes d’expressions artistiques avec lesquels nous sommes confrontées aujourd’hui ne sont que sa propre agonie et cela malgré les apparences contraires.

J’aime croire que l’art avec un grand A restera éternel et qu’un homme de son talent a aussi le droit de se tromper.

Je pense que malgré l’affirmation de PICASSO, nous sommes d’une manière instinctive attaché aux vraies valeurs artistiques qui sont celles que nous avons hérités de nos ancêtres, c’est à dire celles de l’émotion et du partage. Celles du j’aime ou je n’aime pas, sans pour cela trouver à chaque fois une explication rationnelle à cette sensibilité qui nous attire vers tel auteur ou telle œuvre.

J’aime à penser que pour certains d’entre nous l’art est toujours un besoin vital, une nécessité spirituelle, une drogue bienfaisante sans laquelle l’artiste ne pourrait plus vivre. L’art est en quelque sorte une autre réalité de la vie quotidienne qui est la réalité même de l’artiste sans laquelle sa vie n’aurait plus de signification.

«Beaucoup d’entre nous continuent à être des artistes et à s’occuper d’art pour une raison qui a peu de chose à voir avec l’art véritable, mais plutôt par esprit d’imitation, par nostalgie de la tradition, par force d’inertie, par amour de l’ostentation, du luxe, de la curiosité intellectuelle, par mode ou par calcul.»

Quelle est la définition de l’art véritable ?

Si je me réfère au dictionnaire, on parle de la manière de faire une chose selon les règles, d’un moyen par lequel on réussit, d’une expression d’un idéal de beauté dans les ouvres humaines.

L’homme de l’art n’est-il pas celui qui possède des connaissances théoriques et pratiques dans une discipline où à force de réflexion et de travail, il aspire à la perfection ? Alors, peut-on considérer que l’art existe encore à l’état pur ou bien est-il complètement dénaturé par l’environnement actuel ?

 «Ils vivent encore par habitude et snobisme dans un récent passé, mais la grande majorité dans tous les milieux n’a plus une sincère passion pour l’art qu’ils considèrent tout au plus comme un divertissement, loisir et ornement.»

Sommes-nous encore passionné par l’art ?

J’aime croire que oui. Et, j’ajoute, qu’il y a parmi nous des maîtres à penser qui ont une passion sincère pour faire évoluer l’art à son niveau le plus haut.
Et, qui nous montrent un chemin à suivre en nous suggérant de nous en éloigner pour, par la suite, chercher notre propre vérité.

«Peu à peu des nouvelles générations amoureuses de mécanique et de sport, plus sincères, plus cyniques et brutales, laisseront l’art dans les musées et les bibliothèques comme incompréhensible et inutile relique du passé.»

Tant que l’homme existera en tant qu’individu avec ses propres réactions, sa propre sensibilité, sa propre créativité, il y aura toujours une place pour l’art ; et pas seulement dans les musées et les bibliothèques sous forme de passé.

«Un artiste qui voit clair dans une fin prochaine comme c’est le cas pour moi, que peut-il faire? Ce serait un trop dur parti que de changer de métier, et dangereux au point de vue pécuniaire. Il ne reste que deux routes : chercher à se divertir et gagner de l’argent.»

PICASSO avoue qu’il est difficile de quitter une place sécurisante pour repartir à zéro.
C’est un point commun pour beaucoup d’hommes. L’inconnu est aussi synonyme de danger.
Alors en analysant sa situation, il se dit qu’il lui reste deux routes à suivre : l’une qui est de chercher à se divertir (l’art pur est-il si sérieux que l’on ne peut pas se divertir avec lui ?), et l’autre qui est l’argent (qui d’entre nous serait assez fou pour le refuser ?
Tous les hommes sains d’esprits ont les mêmes faiblesses !)

«Du moment que l’art n’est plus l’aliment qui nourrit les meilleurs, l’artiste peut extérioriser son talent dans tous les caprices et la fantaisie, dans tous les expédients du charlatanisme intellectuel. Dans les arts, le peuple ne cherche plus consolation ni exaltation. Mais les raffinés, les riches, les oisifs, les distillateurs de quintessence
cherchent le nouveau, l’extraordinaire, l’original, l’extravagant, le scandaleux. Et moi, depuis le cubisme et au-delà, j’ai contenté ces messieurs et ces critiques avec toutes les multiples bizarreries qui me sont venus à la tête, et, moins ils comprenaient et plus ils admiraient.A force de m’amuser à tous ces jeux, à toutes ces fariboles, à tous ces casse-tête, rébus et arabesques, je suis devenu célèbre, et très rapidement. Et la célébrité signifie pour un peintre : ventes, gains, fortune, richesse.»

C’est un paragraphe important où PICASSO est d’une sincérité désarmante.

Où il avoue avoir exploité tous ce qui lui passaient par la tête pour contenter des intellectuels à la recherche du nouveau et de l’original, qu’il soit extravagant ou scandaleux. Il avoue que pour avoir compris à un moment donné de sa vie une attente qui ne justifiait en rien l’art, il est devenu riche et célèbre.

«Aujourd’hui comme vous le savez, je suis célèbre et je suis riche, mais quand je suis seul avec moi-même, je n’ai pas le courage de me considérer comme un artiste dans le sens antique du mot.»

La confession morale continue et son propre jugement lui dicte de ne pas se considérer comme un véritable artiste au sens antique du mot. On vient à se demander qui se nourrit de qui ?
Un créateur créé-t-il pour lui ou pour les autres ?
Est-ce lui qui se construit ou sont-ce les autres ? N’y-a-t’il pas un échange intime entre l’artiste et le public ?

L’argent est un danger qu’il est difficile d’éviter à ce niveau de notoriété.

Toutefois, si il y a une leçon à retenir de cette confession, c’est toujours d’être sincère avec soi-même. C’est de cette manière que l’on sera sincère avec les autres.
Et si le succès et l’argent suivent nos pas, ce sera tant mieux et sans remords.

«Ce furent de grands peintre que Gotto, Le Titien, Rembrandt et Goya. Je suis seulement un amuseur public qui a compris son temps et apaise le mieux qu’il a pu l’imbécilité et la cupidité de ses contemporains.»

Il se compare a de grands artistes qu’il admire et donc, à ses propres yeux, il se dévalue.

Il se considère comme un amuseur public, un clown qui a compris l’attente des autres vis à vis de ses propres créations et nous ressentons son malheur dans sa propre confession.

Il s’invente une excuse, celle d’avoir compris ses contemporains, ce qui lui permet d’atténuer cette souffrance.

«C’est une amère confession que la mienne, plus douloureuse qu’elle ne peut sembler, mais elle a le mérite d’être sincère.»

Il souffre. Cette confession lui fait du mal.
Mais pour apaiser son esprit rongé de remords vis à vis de ses multiples créations, il se devait de se confesser publiquement.
Et comme il le dit lui-même : «cette confession a le mérite d’être sincère». Et nous le croyons. Et si cela est vrai à ses propres yeux, aux yeux de certains d’entre nous, cela ne l’est certainement pas.

Car si, à un certain moment de sa vie, PICASSO a pu s’éloigner de l’art véritable, il reste un très grand artiste avec une sensibilité à fleur de peau qui l’a obligé à rendre cette confession publique.

Mais cette sensibilité n’est-elle pas la preuve évidente de sa grandeur artistique ?
Et le doute n’est-il pas le sentiment qui remet l’artiste encore et toujours en question ?
Pour finalement le faire avancer…

La perfection n’existe pas, alors tâchons d’être heureux sans elle !

Abonne-toi !

Chaque semaine, je partage tous les bons plans et actualités sur l'univers de la magie et du mentalisme.
Rejoins les 16 761 magiciens déjà abonnés.

Article précédentTornado of Fire de David COPPERFIELD
Article suivantQuartet de Guy HOLLINGWORTH
Carlos VAQUERA
Localisation : Bruxelles Age : 44 ans Profession : artisan de l'illusion Spécialités : aucune mais tente de faire de mon mieux Publie dans la Circular de l'Ecole Magique de Madrid, dans Imagik, dans la Revue de la Prestidigitation et dans Arcane. " C'est Youki qui m'a introduit (sans jeux de mots ni de mains) à l'art de la magie et c'est Arturo de ASCANIO qui fut ma première révélation." "J'ai eu l'immense privilège d'être à côté de Roberto GIOBBI, Aurelio PAVIATO et Pedro LACERDA l'un de ses fils spirituels." "(Dans cette grande famille, on retrouve en tant que frère spirituel d'Arturo : Juan TAMARIZ, John THOMPSON et Bernard BILIS) - eh oui, je me sens tout petit... Je suis un touche à tout. Certains diront que c'est s'éloigner de l'art qu'on a choisi de pratiquer. Moi je pense que c'est l'enrichir en prenant des routes secondaires qui sont parfois plus belles que les autoroutes ou les routes principales."