Climax

La version des boulettes pour adultes s’arrête à la phase précédente. Vous allez maintenant bénéficier de la méconnaissance du public de la psychologie infantile pour aller beaucoup plus loin.

Vous allez maintenant choisir un objet bien plus gros que votre main. Dans mon cas, je m’empare du raton laveur d’un numéro précèdent que j’agite et balance au-dessus de la tête.

Il a l’avantage de ne pas faire de bruit en retombant. Vous montrez les deux poings fermés en demandant ‘laquelle’ et là L’ENFANT VA MONTRER L’UNE DE VOS MAINS APRÈS RÉFLEXION.

Et c’est cela qui est grandiose : écoutez le silence lourd de la foule tandis que l’enfant réfléchit dans laquelle de vos mains se trouve le raton-laveur (en fait, l’enfant attend vos indices car il n’a aucune idée de l’impossibilité de la chose en vertu de son âge).

Et écoutez ensuite la clameur quand il montrera ensuite une main vide. Une telle réaction est impensable pour un adulte et c’est la force de la routine. De plus, je peux vous garantir QUE TOUS LES ENFANTS DU MONDE réagiront de manière identique.

Au passage cela démontre que l’homme est partout le même. On peut le découvrir à travers la peinture, l’art primitif ou tout simplement dans un simple numéro de magie, n’en déplaise à l’extrême droite…

Bien sûr, comble du sadisme, vous réclamerez au pauvre gamin une troisième sucette ! A ce stade, le fait de tendre la main ouverte suffit pour récupérer une sucette.

Pour l’objet suivant, je retire mon veston et agis comme pour le raton. Nouvelle clameur. Je récupère ainsi la dernière sucette.

Je fais ensuite mine de vouloir défaire mon pantalon pour le balancer. Dans la rue où on peut se permettre un rythme plus lent, je demande un gros objet, par exemple un bébé !

Vous ne pouvez pas conclure là votre numéro car tout le public est contre vous. Pour la dernière étape, je vais agir de telle sorte que l’enfant voit ce que je lui balance au-dessus de la tête.

En pratique, je prends le sachet de sucettes et l’agite devant lui. Indice subtil qui lui suggère cette fois de se fier à son oreille. Il entend le bruit des sucettes dans le sachet.

Quand je balance le sachet qui fera invariablement le même bruit en retombant (premier indice), je m’arrange aussi pour que le sachet traverse son champ visuel (second indice). Le public ne s’en rend pas compte bien sûr.

Pour enfoncer le clou, je remplace le mot ‘laquelle’ pour ‘où’ à demi-voix. Et là, vous verrez l’enfant indiquer avec son doigt le paquet par terre. Souvent, il ne tournera même pas la tête vers le paquet mais vous regardera toujours avec le bras droit tendu en direction du paquet.

C’est encore plus drôle !

Ne pouvant donner tout le paquet quand même, je conclus par un dernier choix: je gonfle un animal en ballon puis je propose dans une main le ballon et dans l’autre une sucette. Pour que l’enfant choisisse la sucette (le choix comique), il y a aussi des astuces :

  1. La sucette est présentée dans la main droite, la plus près de l’enfant
  2. L’animal doit représenter quelque chose pour le public et un truc informe pour l’enfant : le cygne est tout indiqué car les enfants sont en majorité incapable de l’identifier comme tel et donc d’y trouver un intérêt.
  3. Vous montrerez d’abord le cygne puis la sucette en disant ‘ici un magnifique animal et là, une sucette. Laquelle ?’

C’est bien le diable si l’enfant n’opte pas pour la sucette. Bien sûr, vous lui offrez les deux pour obtenir le pardon du public et une ovation dont peu d’artistes peuvent se vanter au cours de leur carrière, croyez-moi.

Par expérience, c’est le numéro qui marque le plus le public et on vient m’en parler après le spectacle.

A ce jour, je n’ai vu que Jean Merlin, Gaëtan Bloom, Juan Tamariz et le belge Stanislas utiliser ce genre de techniques psychologiques.

Par contre, inutile d’espérer obtenir un jour la reconnaissance de vos pairs avec ce genre de numéro dont les ficelles leur échappent totalement.

Quand je me suis présenté au concours de magie pour enfants au congrès de l’AFAP à Aix les Bains (avec d’autres numéros comme la chasse aux pièces mais basés sur les même astuces), j’ai eu un gros succès auprès du public présent et un article avec photo dans le journal local (le seul de tous les concurrents d’ailleurs).

Eh bien LA MOITIÉ DU JURY A DÉCIDÉ QUE CELA NE VALAIT MÊME PAS UN TROISIÈME PRIX.

L’un(e) d’entre eux m’a affirmé par la suite : ‘votre contact avec les enfants est remarquable, vous faites ce que vous voulez d’eux et sans aucune technique magique’. Un autre m’a dit : ‘vous avez répété avant le concours avec des enfants particuliers que vous avez fait monter ensuite sur scène’. Un peu comme si on disait à Gérald Le Guilloux : ‘vous avez le don bizarre de faire apparaître n’importe quoi entre vos mains mais on trouve ces colombes dans n’importe quel magasin, dommage’.

Aujourd’hui je raconte cette anecdote comme au Canada en septembre dernier : chez vous, je reçois une standing ovation, mais au congrès de l’afap ça ne vaut pas le moindre prix !

Voilà, comme tout ce que j’ai pu construire ou améliorer, ce numéro est libre de droit.

Si vous commencez à vous rendre compte que derrière mes conneries, il y a quand même tout un édifice construit et logique, je n’aurai pas perdu mon temps.

Certes, pas de matériel, pas de texte, pas de passe technique, les faux dépôts sont manqués. Après tout le jury a sans doute raison : ça ne vaut pas un pet de lapin.

Mieux vaut chercher un vrai trésor du côté de Rennes le Château !

Ces articles paraissent dans l’Illusionniste, la revue du cercle français de l’illusion.

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Mimosa
Né le 1 mai 1960 Elevé en Bretagne, bon élève condamné par ses parents à faire l'Ecole Centrale de Paris d'où il sortira en 1985 avec le premier prix d'Informatique. Trésorier du Groupe de Paris de 90 à 93 Trésorier adjoint de l'AFAP de 91 à 93 Fondateur de la revue magique Sycophante 95-96 avec Michel FONTAINE Président du CFI depuis mars 2000 Primé une dizaine de fois dans les congrès sous divers pseudonymes. Professionnel depuis 1989 quoique pratiquant la magie en dilettante. Ses maîtres : Michaël VADINI, Stanislas, Peter SHUB, Alan TURING, Evariste GALOIS, Yvonne-aimée de Malestroit. Sa passion : la programmation des bases de données sur macintosh plusieurs heures par jour. Principal défaut : n'a jamais pu s'empêcher de dire tout haut ce qu'il pense tout bas.