Je souhaite très brièvement dans les lignes qui suivent attirer l’attention des magiciens sur l’importance de protéger leurs créations par les droits de Propriété Intellectuelle, à tout le moins en France.

En effet, les droits de Propriété Intellectuelle permettent de protéger les créations et d’éviter que ces dernières soient copiées par des tiers.

En magie, les droits de Propriété Intellectuelle peuvent s’avérer très utiles pour protéger un tour, une présentation particulière, un spectacle, la forme d’un accessoire, votre nom de scène, un accessoire truqué permettant de réaliser une disparition…

Cependant, les moyens et les mécanismes à employer ne seront pas les mêmes selon le type de création concerné.

Le droit de la Propriété Intellectuelle est constitué de quatre composantes principales, à savoir : le droit des brevets, le droit des marques, le droit des dessins et modèles et le droit d’auteur.

Nous allons brièvement et schématiquement étudier ci-après les protections offertes par ces différents droits, tous réunis au sein du Code la Propriété Intellectuelle, et donner systématiquement des exemples en relation avec l’Art magique.

Le droit des brevets (Articles L. 611-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle)

Le droit des brevets protège une solution technique à un problème donné. Il s’agit donc toujours d’une création fonctionnelle indépendamment de l’esthétisme.

Par exemple, un appareil permettant de faire disparaître un objet par un nouveau dispositif relèvera du droit des brevets (par exemple la Zig Zag Girl) et non pas d’un autre droit.

Ainsi pour protéger un tel appareil, il conviendra de déposer une demande de brevet auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle).

Il convient de bien considérer que l’on vise à protéger par le dépôt d’une demande de brevet le dispositif permettant de réaliser la disparition et non pas, par exemple, la forme de l’appareil.

La condition essentielle pour l’obtention d’un brevet valable est la nouveauté absolue (l’invention ne doit jamais avoir existé aussi bien dans le temps que dans l’espace.

Si dans la Rome antique, un appareil utilisait déjà votre dispositif, votre invention n’est pas nouvelle. De même, si à Tombouctou x votre appareil est déjà connu, il n’y a pas non plus de nouveauté).

Mais attention de ne pas divulguer soi même sa propre invention. Une telle divulgation avant d’avoir déposé une demande de brevet peut entraîner la nullité de cette dernière.

Donc une règle d’or : Ne jamais divulguer publiquement son invention avant d’avoir déposé une demande de brevet.

La durée de protection offerte par un brevet en France est de 20 ans non renouvelable.

Le droit des dessins et modèles (Articles L 511-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle)

Le droit des dessins et modèles protège l’aspect ornemental, esthétique, d’un objet et en aucun cas sa fonction technique.

Par exemple, si vous avez créé une malle des Indes avec des formes particulières ou des motifs originaux, vous pourrez déposer une demande de modèle auprès de l’I.N.P.I. pour protéger l’aspect ornemental de cette malle des Indes.

En revanche, si vous l’avez dotée d’un nouveau mécanisme, ce sera une demande de brevet qu’il faudra déposer.

La condition essentielle pour l’obtention d’un modèle valable est également la nouveauté dans le sens où votre modèle doit se distinguer de ceux qui existent déjà.

Vous disposez d’un délai d’une année à partir de la première divulgation pour déposer votre demande de modèle auprès de l’I.N.P.I. (attention : ne pas confondre avec le droit des brevets pour lequel vous ne disposez d’aucun délai).

Attention, il est très important de ne pas se tromper sur le type de protection que vous souhaitez obtenir.

Si par exemple, vous déposez une demande de modèle pour protéger une fonction technique, non seulement votre modèle n’aura aucune valeur mais, plus grave, sa publication constituera une divulgation et vous empêchera de déposer par la suite une demande de brevet valable.

Il faut donc bien réfléchir avant de déposer et ne pas hésiter à se faire conseiller.

La durée maximale de protection d’un modèle en France est de 25 ans non renouvelable.

Le droit des Marques (Articles L. 711-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle).

Le Droit des marques ne protège pas une création. Il est un droit d’occupation. C’est-à-dire qu’il vous permet d’occuper un signe et donc de bénéficier d’un monopole, indéfiniment renouvelable, sur ce signe pendant dix ans.

Par exemple, vous commercialisez des accessoires de magie et vous souhaitez distinguer ces accessoires de ceux qui existent déjà sur le marché et, pour ce faire, vous les vendez sous une dénomination de votre création.

Cette dénomination sera protégée par le droit des marques si vous déposez une demande de marque auprès de l’INPI.

Mais attention une marque est tout signe susceptible de représentation graphique.

En conséquence une marque n’est pas forcément une dénomination mais peut également consister en un logo, une image, une forme, une odeur (on parle alors de marque olfactive),…

Le Droit d’Auteur (Articles L. 111-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle)

Le Droit d’auteur protège l’œuvre de l’esprit, la création intellectuelle telle que les œuvres de peinture, les dessins, les écrits, les films…

L’article L. 112-2 du Code la Propriété Intellectuelle énonce de manière non exhaustive les œuvres pouvant bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

La condition pour bénéficier de la protection est l’originalité c’est-à-dire que l’œuvre doit porter l’empreinte de la personnalité de son auteur.

La protection par le droit d’auteur est extrêmement intéressante pour l’artiste prestidigitateur car le droit d’auteur permet de protéger notamment la présentation d’un tour, le déroulement d’une routine,… sous réserve bien entendu de l’originalité.

En outre, le droit sur l’œuvre naît de la simple création et donc l’obtention du droit n’est conditionnée par aucune formalité.

Cependant, il est en pratique toujours nécessaire de prouver une date certaine de création. Cette preuve peut être apportée par tous moyens.

Nous recommanderons fortement le dépôt d’une enveloppe Soleau qui constitue un moyen de preuve indiscutable et qui possède l’avantage d’être peu onéreux.

La durée de protection par le droit d’auteur est de toute la vie de l’auteur plus soixante dix ans après sa mort.

Enfin, il reste encore un moyen de faire valoir ses droits mais ce n’est pas un moyen tiré du droit de la Propriété Intellectuelle.

Il s’agit de l’application des Articles 1382 et suivants du Code Civil qui énoncent que tout dommage causé à autrui par sa faute doit être réparé. Il s’agit du principe de la responsabilité civile.

Toutefois, ce moyen peut s’avérer particulièrement difficile à mettre en œuvre et il représente en quelque sorte la dernière chance.

Voilà de manière très schématique les différentes possibilités que le droit de la Propriété Intellectuelle vous offre pour protéger vos créations.

Il est important de ne pas négliger ces moyens et de s’interroger systématiquement sur l’intérêt de protéger sa création.

Le problème est trop souvent étudié trop tard, la création ayant déjà été copiée. Il est dans cette situation beaucoup plus difficile de réagir efficacement.

En outre, l’accomplissement d’une formalité pour l’obtention d’un droit de Propriété Intellectuelle possède également une certaine force dissuasive et permet de faire savoir qu’un tel droit a été obtenu pour sa création.

Il s’agit de la mention de réserve telle que « modèle déposé » ou encore l’apposition du symbole du copyright (un « c » dans un cercle suivi du nom du titulaire des droits et de l’année de publication).

Enfin, il est également important de combattre l’idée préconçue selon laquelle « si une société importante me copie, moi particulier ou professionnel indépendant, je n’aurai jamais gain de cause ».

C’est faux, si vous disposez d’un droit valable et adapté.

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   Merci à Michel FONTAINE pour la relecture.

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