A quel âge as-tu commencé la magie ?

Jean REGIL : Le premier livre que j’ai demandé que l’on m’achète était dans la vitrine d’un magasin de Farces et Attrapes. C’était Les tours de Magie de Luc MEGRET. Je devais avoir 6 ans.

 

Quel a été le déclencheur ? Quels ont été tes maîtres ?

J’ai vraiment toujours eu cela en moi. Je me souviens avoir vu des spectacles de cirque. Quand il y avait un magicien c’était le numéro que je préférais. Quand il n’y en avait pas, j’étais très déçu. Le plus grand choc a été quand j’ai vu le spectacle de Kalanag à 14 ans au Théâtre des Célestins de Lyon – c’était mon cadeau d’anniversaire !

 

T’es-tu tout de suite concentré sur les grandes illusions ou as-tu travaillé les bases comme les cordes, les gobelets, les pièces ou encore les anneaux chinois ?

Jean REGIL
en 5 dates
Le 30 Octobre 1943
NaissanceJuillet et Août 1975
Festival de la Magie a l’Olympia1968 :
j’avais signe mes premiers
bons contrats en Mai. Tous annules !Hier :)
Revue Magic
Magic avec des danseuses, des décors et tout et tout. Le show a été un succès et après ils ont pris Bertrand LOTTH.Avant Hier :)
J’ai embarque sur le bateau de
croisièrè où j’allais rester pres de 4 ans.
Pour ma première croisière :
Glenn FORD et Rita HAYWORTH à bord.
Elle m’a parlé de l’époque où elle faisait la partenaire d’Orson WELLES dans
son show de magie pour les militaires. Elle m’a même explique qu’il avait
sauté dans la malle des Indes en gardant les clefs dans sa poche !

Non j’ai commencé par les bases. Pour deux raisons.

La première : J’avais lu que David DEVANT disait qu’il fallait commencer par les bases.
La deuxième : j’avais pas un rond pour acheter ou construire des illusions.

 

Parle -nous également de ton parcours : ton début en tant qu’amateur, puis professionnel.

Jean REGIL

On peut dire que j’étais amateur de 14 à 18 ans. Je faisais tous les spectacles gratuits que je pouvais : hôpitaux, maisons de retraite, fêtes de l’école etc. Mon premier boulot vers 18 ans a été vendeur démonstrateur de magie chez «SERAPHIN» à Lyon. Le soir j’allais faire du close-up dans un restaurant du Vieux Lyon. Pas de cachet. Je passais une assiette après le spectacle. Un soir il y a eu une tellement bonne ambiance que je n’ai pas passé l’assiette pour ne pas rompre le charme ! Dommage, c’est sûrement le soir où j’aurais fait le plus de ronds !

 

Est-ce que la magie a toujours été ta seule source de revenus financiers ou as-tu exercé une autre activité professionnelle ?

Je n’ai jamais rien fait d’autre que de présenter des spectacles de magie. Je n’ai même pas fait de livres ou de cassettes ou encore vendu de tours. Des spectacles, uniquement des spectacles.

 

Jean REGIL & Dani LARY & Isabelle et Christian FECHNER Comment t’es-tu retrouvé à la télévision ?

Ma première émission était une retransmission du Festival de Magie qui se tenait durant 2 mois à l’Olympia à cette époque.

Pour la suivante j’ai été invité par Gérard MAJAX.

Pour les autres cela a toujours été le fait du hasard. Par exemple dans Super Nana avec Josiane BALASKO, l’actrice voulait faire de la magie. Elle en parle avec son attachée de presse qui avait vu mon spectacle au Casino de Deauville (grâce à Christian FECHNER). Celle-ci m’a donc tout naturellement proposé. Cela a été comme ça à chaque fois.

 

Que gardes-tu comme sentiments sur cette expérience ?

Je ne suis pas très à l’aise dans le milieu de la télévision. Je suis beaucoup plus décontracté sur un podium, en plein air, devant 1 000 ou 2 000 personnes, ou dans un cabaret devant 20 clients paumés.

 

Est-ce que tu travailles quotidiennement tes techniques, tes tours ?

Je cherche toujours quel est le passage le plus faible du spectacle et j’essaie de voir ce que je pourrais mettre à la place. Pour le close-up je refais toutes mes routines deux fois avant chaque gala. Quand aux manipulations je suis rarement devant la télé, ou en voiture, sans un jeu de cartes ou des pièces dans la main.

 

Es-tu quelqu’un qui planifie son travail (recherches, techniques, dialogues, routines) ?

Non. Je marche à l’instinct.

 

As-tu déjà participé à des concours ? Si oui, qu’avais-tu présenté et quels avaient été tes résultats ? Que penses-tu de la finalité des concours ?

Jean REGIL + Johnny HALLYDAY + John GAUGHAN   1967 : Congrès national à Paris : Mention de Cartomagie

1968 : Congrès national à Paris : 1 er Prix de Magie Générale

Après j’ai trouvé, financièrement, plus intéressant de me faire engager.

En ce qui concerne la finalité des concours il y a du bon et du mauvais (comme dans tout). Le bon : avoir poussé des gens comme Brahma ouNorbert FERRE à aller au bout d’eux-mêmes. Sans les concours ils ne seraient peut-être pas allés si loin. De plus les concours les ont aidés à se faire un nom. Pour le mauvais : beaucoup de numéros ont trop tendance à travailler pour les magiciens uniquement.

 

Quel est ton point de vue sur la propriété intellectuelle dans le domaine de la magie ?

Tout a été dit et redit. Il faudrait faire quelque chose, mais il n’y a pas moyen. Reste l’éthique personnelle que chaque magicien devrait avoir. Ce serait d’ailleurs l’intérêt général. Si chacun ne présentait que les illusions qu’il a le droit de présenter (C’est-à-dire avec l’accord de l’inventeur, souvent en ayant payé les droits) cela nous éviterait de voir les mêmes illusions dans tous les shows de grandes illusions et le public serait le grand gagnant. C’est dramatique dans les Festivals de Magie grand public qui durent plusieurs jours. On se tape régulièrement 4 interludes, 3 origamis etc. Et STEINMEYER n’est pas plus riche pour autant.

 

Sur quel critère, estimes-tu qu’un tour soit une création ?

   C’est assez évident à chaque fois si on est objectif et honnête. Je ne suis pas très critères, lois et tout ce bazar.

 

Comment se fait il qu’il y ait si peu de filles dans le métier ?

Pour la même raison qu’il y a peu de femmes dans les clubs d’échecs et beaucoup dans les clubs de Backgammon. Les échecs sont un jeu qui s’adresse purement à l’intellect. Le backgammon remue beaucoup d’autres choses : hasard, passion. Les femmes se sont donc éloignées de la magie qui, pendant des années, était présentée uniquement (et malheureusement) comme un défi à la logique. Mais les choses sont en train de changer. L’émotion est de plus en plus présente dans les spectacles de magie et par voie de conséquence les femmes aussi : Dorothée PROTATIva SCALIAlexandra DUVIVIER, Elisabeth AMATO, etc… Observez comme chacune d’elles met des choses de la vie dans son spectacle.

 

D’un point de vue magique, quelle est la chose dont tu sois le plus fier ?

Un certain nombre de spectacles où j’ai tenu la scène plus de deux heures, devant des publics très nombreux sans qu’ils s’en aillent !!!

 

Et le moins ?

Tu m’obliges à me rappeler de pénibles souvenirs : Les deux pires choses sont :

Un : un passage dans un congrès FISM, où je m’étais complètement planté dans le choix des tours à faire devant ce genre de public. Il faisait très chaud, je passais le dernier, très tard… bref : le plantard.

Deux : une grande illusion que j’ai plantée devant la France entière dans une émission de Thierry le LURON avec Dominique WEBB. Je pensais la chose enterrée, mais un perfide ami m’a envoyé la cassette et tout ce que j’avais cherché à enfouir au fond de moi-même a ressurgi.

 

Quel est le tour de ta création dont tu es le plus fier ?

   Bien sûr j’aime bien mon évasion de l’Aquarium, mais des fois ça m’énerve que l’on croie que je ne fais que cela. Et puis c’est un des seuls tours pas drôles que je présente. En fait sur scène j’ai besoin des rires du public. Alors disons que j’aime bien mon idée de présenter un tour de cartes sur scène en recréant une ambiance de cabaret sur scène avec des tables, des chaises, des verres et des bouteilles de champagne. Les spectateurs sont invités à monter sur scène et à prendre place à ces tables. Je leur offre vraiment le champagne. Deux grosses caisses de matériel pour présenter un tour de cartes. Drôle non ?

 

Quel est le tour que tu n’as pas inventé et que tu préfères voir faire ?

Il y en a beaucoup. Allez, au hasard : les cigarettes avalées de Tom MULLICA.

 

Quelles techniques ou routines aimerais-tu parfaitement savoir faire ?

Connaître le jeu de cartes classées de Juan TAMARIZ et savoir faire une coupe exacte au nombre de cartes choisies.

 

Est-il encore possible de te bluffer ? Si oui, quelles sont les personnes qui l’aient récemment fait ?

Christian CECILE + John GAUGHAN + Jean REGIL   Très facile. Je suis un spectateur parfait. Je ne cherche pas du tout à voir ou à comprendre. Si c’est vraiment intrigant j’y réfléchis plus tard chez moi. Si, pendant un spectacle, je vois quelque chose c’est vraiment que toute la salle l’a vu.

Bluffé dernièrement : Dominique DUVIVIER du début à la fin.

 

Si tu devais emporter sur une île déserte un seul ouvrage magique, lequel serais-ce ?

“Les Merveilles de la Prestidigitation” de Georges KAPLAN.

 

Quels sont tes magiciens préférés et pourquoi ?

Doug Henning pour sa chaleur humaine et sa façon de présenter les plus vieux tours de la terre de façon moderne.

Dante : Celui qui a poussé l’aventure du Grand Show magique le plus loin

Mais il y en a beaucoup d’autres, et beaucoup sont des amis. Je ne vais pas les nommer, parce que la liste serait peut-être trop longue, et puis si j‘en oublie un il va cesser d’être un ami !

Et puis il n’y a pas que la Magie, il y a surtout le spectacle et je voudrais nommer, bien qu’ils ne soient pas officiellement considérés comme magiciens :

Jerry LewisLisa MinelliSammy DavisJacques BrelSacha Guitry,Michel SimonLouis Jouvet parce qu’ils sont les recharges de mes batteries.

 

Si tu avais 3 conseils à donner à un jeune magicien débutant, lesquels lui donnerais-tu ?

Jean MADD + John GAUGHAN + Jean REGIL   Rester simple. Ne surtout pas s’imaginer parce qu’on a le privilège de connaître des secrets que les personnes en face de nous ignorent, que l’on est un être supérieur. Bien se dire que ces gens savent aussi des tas de choses que nous ne connaissons pas. Il n’y a pas pire chose, sur terre, qu’un magicien prétentieux. Il énerve le public deux fois : en lui montrant des trucs qu’il ne comprend pas et en plus en le snobant.

Ne pas voir que des spectacles de magie. Voir tous les genres de spectacles.

Ne pas oublier le passé. Les artistes d’autrefois ne passaient pas devant le faux public, faussement motivé, de la télé. Ils ne faisaient pas seulement 43 dates par an. Ils passaient devant un vrai public, pratiquement tous les jours de leur vie. Ils avaient donc la meilleure des formations. Et il y a tout à apprendre des Marx BrothersMaurice ChevalierRed SkeltonJerry LewisSammy Davis et autres.

 

Comment pourrait-on motiver les jeunes à s’intéresser à l’histoire de la magie. Est-ce vraiment si important et pourquoi ?

Pour beaucoup de raisons :

Si on aime un art on veut le connaître le mieux possible.

Parce que apprendre à connaître c’est à apprendre à aimer.

Parce que si l’on n’étudie pas le passé il faut tout réinventer, et on risque de passer son temps à réinventer la roue.

Parce que les meilleures nouveautés sont souvent les trucs oubliés. Quand j’ai ressorti les peintures spirites – vieux truc par excellence – tous les magiciens qui les ont vues ont été surpris.

Et puis il n’y a pas à motiver les gens. S’ils aiment vraiment l’illusionnisme ils seront avides de connaître par eux-mêmes. Pourquoi faudrait-il pousser – motiver ? Croyez vous que tous les grands artistes on eu des gens qui les motivaient. Beaucoup ont eu des gens qui leurs mettaient des bâtons dans les roues et c’est ce qui les stimulait.

 

Comment vois-tu l’avenir de la magie ?

Malheureusement je ne suis qu’un pauvre illusionniste dénué de tout vrai don de voyance. Essayons quand même, tout en bravant le risque de se planter totalement :

Les manières de travailler vont s’élargir. Il y aura mille manières différentes de pratiquer ce métier dans des lieux très variés. Ceci risque de saturer un peu le public et il faudra être meilleur qu’avant, parce que le public deviendra connaisseur et même un peu blasé.

 

La télé est-elle un bon média pour la magie ?

Ce n’est pas le meilleur, surtout en France où l’on filme la magie comme des clips vidéo de danseurs.

 

Lors de tes spectacles « Si magie m’était contée », comment réagissent les jeunes magiciens par rapport à l’histoire de la magie ?

   Il me semble qu’ils réagissent très bien. Dans ce spectacle la partie «histoire» varie constamment. Suivant les réactions du public je m’en tiens seulement à un très léger fil conducteur ou, si je le sens intéressé, je raconte plus d’anecdotes. J’ai écrit un spectacle de 2 h 30 et j’improvise, en fait, une heure en choisissant dans tout ça ce qui me semble le mieux adapté au public du moment. Cela a l’avantage de m’éviter de m’enfoncer dans une routine complète. Et puis aussi, si jamais ils ne sont pas prêts dans les coulisses, eh bien j’ai toujours une histoire à raconter. C’est le côté pratique de la chose ! Mais j’évite ce genre de situation.

 

Comment réagit le grand public par rapport à la même histoire ?

Au début, j’avais créé ce spectacle uniquement pour les centres culturels et les théâtres. Puis un jour j’ai un rendez-vous avec un client qui veut un spectacle pour la fin du repas de clôture d’un congrès de pharmaciens.

Je lui propose mon spectacle de magie variétés conventionnel. Il est d’accord et m’invite à manger. Au cours de ce repas, je lui parle, par hasard, de «Si Magie m’était contée». il x arrête de manger et me dit : «C’est ça que je veux». Je suis surpris, puis me dis «pourquoi pas, en fait». La soirée s’est ensuite vraiment bien passée et maintenant je propose toujours ce spectacle. Même dans des soirées type «cabaret» en allégeant au maximum le côté «histoire». Maintenant j’ai beaucoup de mal à présenter un spectacle sans ce fil conducteur, si ténu soit-il. J’ai l’impression que ce que je présente n’a plus aucun sens.

Et oui, je crois pouvoir l’affirmer, les spectateurs apprécient. En tous cas ils me le disent.

 

Comment s’est déroulée ta collaboration aux méga illusions à l’époque des émissions «Attention Magie» ?

J’ai loué et appris à Gilles ARTHUR toutes les illusions qu’il a présentées.

Par contre je n’ai participé qu’à une seule «Méga illusion» : la traversée d’un mur par un homme sur une moto (c’était ma moto !). C’était sympa. On était plusieurs, dont Bernard BILIS, autour d’une table avec Gilles. Chacun donnait une idée et, bien dirigés par Gilles, nous avancions.

 

Quelle était ta démarche créative par rapport à ces méga illusions ?

   Moi je ne suis pas très créatif. Mais si on me pose un problème à moitié résolu, il m’arrive de trouver la solution finale, simple, qui permettra de le finaliser. J’adore présenter des classiques en ajoutant de petites touches, en trouvant des idées de présentation ou des simplifications. Mais partir de rien, pour ça je suis assez nul.

 

Penses-tu qu’une méga illusion a un impact très puissant sur le téléspectateur ?

J’ai l’impression qu’en France le public n’accroche pas trop. Ceci dit, comme disait André Sanlaville, le producteur du Festival mondial de la Magie, : «Dans un spectacle il faut des choses qui attirent le public et d’autres qui lui plaisent une fois qu’il est dans la salle, et ce sont rarement les mêmes». Beaucoup de gens ont, sans doute, regardé les émissions d’ «Attention Magie» grâce au battage publicitaire qui était fait sur les Méga Illusions, et finalement ils étaient emballés par des numéros tout simples sur le plan du matériel, mais présentés avec un immense talent.
Si tu étais aux commandes d’une émission de magie, quel en serait le programme ?

Comme l’émission «Bienvenue» de Guy Béart. A chaque fois un groupe de magiciens est assis dans un salon avec une scène dans un coin. Ils discutent, racontent des blagues, des anecdotes et puis on demande à l’un d’eux s’il peut présenter quelque chose. Il se lève, va sur scène et présente son numéro. Puis il revient et la discussion reprend. Puis un autre numéro etc. En un mot une émission humaine.

Cela ferait connaître vraiment les magiciens, qui, d’habitude, arrivent, font dix minutes et se cassent pendant que le présentateur fait la promo de la chanteuse assise à sa table.

Mais je crois que cette émission, ce n’est pas pour demain la veille !

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Merci à Michel FONTAINE pour la relecture et Philippe BEAU pour les questions complémentaires.

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