Vous croyez que vous avez ce qu’il faut pour travailler sur un bateau de croisière ?

Voici le deuxième article d’une série traitant des aléas du travail d’artiste invité (magicien) sur les bateaux de croisière. J’ai travaillé sur plus de 32 bateaux de croisière différents au cours des 7 dernières années. (lire le premier article Travailler sur un Bateau de Croisière : Introduction)

Je vais essayer de décrire le plus fidèlement possible ce qu’est la vie sur un bateau de croisière pour un artiste invité.

Public captif

Je me souviens lorsque j’ai commencé à travailler sur les bateaux de croisière, les «Comedy Club» étaient très populaires.
Plusieurs bars offraient des spectacles d’humour, nous faisions 4 ou 5 villes par semaine et j’étais payé 100 à 150$ par soir. Lorsque j’avais déduit toutes mes dépenses (essence, matériel, location d’équipement et repas), il ne restait plus grand-chose !

J’ai rapidement compris qu’il fallait que je trouve un endroit un peu plus lucratif pour jouer, si je voulais gagner un salaire convenable. J’avais bien entendu quelques tournois de golf l’été, et quelques congrès durant l’année, mais ce n’était pas stable et les conditions laissaient souvent à désirer.

J’ai donc porté mon attention sur les bateaux de croisière. J’ai produit une vidéo promotionnelle, et mon «booker» a contacté des agents Américains spécialisés dans le «booking» des bateaux de croisière.

De retour au Québec, je continuais à jouer dans les bars qui offraient des soirées d’humour. Lorsque les humoristes avec lesquels je partageais mon temps me demandaient où je jouais, je leur disais que je travaillais également sur les bateaux de croisière.

Je recevais alors toutes sortes de réponses, mais la plus persistante était : «c’est facile de jouer devant un public captif, ils n’ont aucune autre place où aller». En général je ne répondais pas à ces remarques. À vrai dire, j’ai toujours trouvé que jouer sur un bateau de croisière est extrêmement déstabilisant.

Je m’explique : C’est un public qui tient pour acquis qu’on lui doit quelque chose. C’est aussi un public qui peut se lever et sortir de la salle de spectacle à tout moment. Étant donné qu’ils n’ont pas, à proprement parlé, payé leur «ticket», ils sont beaucoup moins patient s. Vous avez intérêt à être bon dans les cinq premières minutes, et avoir un show qui ne comporte aucun temps mort. Ces gens sont habitués à voir des films d’action à la télévision, et ils ont la télécommande facile. Mais un instant, ils n’ont pas de télécommande entre les mains.

En général c’est un public qui ne montre pas beaucoup ses appréciations.
Après des centaines de spectacles, j’évalue qu’il y a environ une personne sur huit (1/8) qui applaudit après un numéro (les autres doivent se penser devant leur téléviseur).
Combien de fois j’ai vu, assis en face de moi dans les premières rangées, des gens écrasés sur leur siège avec les bras croisés et leur attitude (fais-moi rire le comique…).

Travailler devant le public «captif» d’un bateau de croisière est très difficile. C’est un public qui se met contre vous très rapidement. Vous devez toujours être :
«Politically correct», les Américains sont très prudes, il faut faire extrêmement attention lorsque vous faites allusion au sexe. Par-dessus tout, ne vous aventurez surtout pas sur le délicat sujet de la religion.

Je dis Américains dans le texte, parce qu’il faut s’attendre à avoir une majorité d’Américains sur les bateaux de croisière.

C’est aussi un groupe de personnes très «moody», si la température est mauvaise si le bateau «Rock» beaucoup, vous pouvez vous attendre à avoir une soirée difficile. La soirée la plus difficile est, sans contredite, la première soirée à bord (Welcome Aboard), les gens ont voyagé toute la journée, ils ont attendu en ligne de nombreuses heures et ils sont fatigués et «crancky».

C’est un public constitué en général de personnes plutôt âgées (à l’exception de quelques semaines durant l’année). Certaines compagnies ont une clientèle moins âgée (Carnival), tandis que d’autres comme Holland of America se spécialisent pour une clientèle plus âgée (en moyenne 65 ans et plus). Fait à noter, les endroits visités influencent énormément l’âge de la clientèle. Ainsi, vous êtes certain d’avoir une clientèle âgée si vous faites le Canal de Panama, ou toute autre destination comportant de nombreux jours en mer.

Généralement, une soirée de travail est constituée de 2 spectacles de 45 minutes avec 2 groupes différents. Donc, vous répétez le même spectacle.

Un peu plus haut dans le texte je disais que cela était très déstabilisant de travailler pour ce genre de public. C’est que, pour des raisons que j’ignore, vous pouvez avoir un excellent premier spectacle et un spectacle plutôt moyen une heure après et vice versa. (Peu importe l’énergie que vous y mettez). Les mêmes tours, les mêmes blagues, etc., pour une raison que j’ignorerai probablement le reste de mes jours, les publics réagissent différemment (même s’ils sont sur le même bateau, même s’ils vont aux mêmes endroits, même s’ils mangent la même nourriture, etc.).

Non, ce n’est pas facile de travailler devant un public «captif» de bateaux de croisière. C’est un des publics les plus difficiles à satisfaire après, bien entendu, un public constitué de 98 % d’homme ayant fait un tournoi de golf, mais ça, c’est une autre histoire.

>> Lire Travailler sur un Bateau de Croisière : Avantages vs Désavantages

>>> N’hésitez pas à réagir à cet article sur le forum (mettez comme sujet “[Réflexion] Travailler sur un Bateau de Croisière de Jean BOUCHER”) !

Merci à Michel FONTAINE pour la relecture.

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